Recensement: le Québec grand perdant
Victor Piché
L'auteur est professeur honoraire de démographie à l'Université de Montréal.
Le gouvernement canadien a décidé que le prochain recensement de 2011 ne comptera pas de formulaire long. Il faut préciser que depuis 35 ans, le recensement recueille des informations grâce à deux questionnaires, un court qui comporte huit questions de base (par exemple, l'âge, le sexe, etc.) et un long qui inclut toute une série de questions sur les caractéristiques socio-économiques des individus et des ménages. Cette décision a déjà été décriée par plusieurs personnes et organisations. Sans reprendre ici toutes les raisons qui rendent inacceptable une telle décision, j'aimerais insister sur deux aspects fondamentaux.
Pourtant, qu'est-ce que cela va changer ?
...le gouvernement nous annonce que le questionnaire long sera remplacé parl'Enquête nationale auprès des ménages à laquelle la participation sera volontaire. Le questionnaire de cette enquête sera envoyé quatre semaines après la tenue du recensement à un tiers de la population canadienne et comportera entre autres des questions sur l'origine ethnique, le revenu et l'éducation.Donc, nous avions un questionnaire obligatoire envoyé à 1/5 de la population et maintenant, nous aurons un questionnaire similaire, volontaire, envoyé à 1/3 de la population.
Certainement que certain choisiront de ne pas y répondre. Et c'est super car maintenant, le gouvernement respectera ce choix.
Est-ce que le taux de réponse sera moindre que 1/5 de la population ? Qui sait ?
Mais il est certain qu'à vous entendre chanter à quel point ce questionnaire est important, qu'il est quasiment un salut pour le Québec, etc, etc, et bien, la meilleure solution n'est-elle pas de convaincre la population de l'importance réelle de celui-ci au lieu de chercher une autre fois à déresponsabiliser les gens et les forcer à agir comme vous le voulez ?
Et de plus, faites confiance aux statistiques qui sont capable de donner un aussi bon portrait de la situation même avec 1/10ieme de la population. Les commentaires qui j'entends depuis hier laissent tous sous entendre que les données étaient un reflet exact de la situation, ce qui est faux.
Alors que plusieurs pays européens se tournent vers le Canada pour prendre exemple de cette riche expérience historique, voilà que le gouvernement décide de la mettre à la poubelle.
Quoi ? En Europe aussi ils ne savent pas ce qu'est une statistique ?
Quoi ? En Europe aussi ils ne savent pas ce qu'est une statistique ?
...pour le Québec surtout, cette décision sera lourde de conséquences négatives. En effet, depuis plus de 150 ans, les données du recensement permettent au Québec de suivre l'évolution des groupes linguistiques et de faire régulièrement le bilan de l'état du français. Pour le Québec, c'est une question de survie.
OK, alors, pourquoi ne pas profiter de la situation ? Dites à tous les francophones comment il est important de répondre à ce questionnaire. Ainsi pourront-ils biaiser le taux de participation en fonction de leur langue ?
PS: Ils vont biaiser le taux de participation mais ils ne baiseront pas un bon statisticien....
En l'absence des données ethniques et linguistiques détaillées, n'importe qui pourra dire n'importe quoi! Comment pourrons-nous savoir à l'avenir si les politiques linguistiques sont efficaces?? C'est la voie ouverte pour la pire des démagogies?!
Pas de panique Monsieur ! Et parlant de dire n'importe quoi.....
Certains affirmeront que le français est en voie de disparition au Québec, d'autres au contraire que les politiques linguistiques ne sont plus justifiables. Certes, les débats linguistiques ont toujours été virulents et passionnés au Québec, mais ils sont demeurés dans des limites statistiques garantes d'une certaine paix sociale, et ce, grâce justement aux données des recensements.
:) Comme si nous n'avions pas déjà entendu ces deux cotés de la statistique sur la langue francaise. Et ce, avec le recensement obligatoire. Mais vous nous dites que ce sera pire, tellement pire que vous mettez en doute la paix sociale ?
...le faible taux de réponse associé à une participation volontaire posera des problèmes réels de représentativité des données. De plus, il y aura une sous-représentation systématique de certains groupes vulnérables dont entre autres les autochtones, les mères monoparentales, les immigrants, les personnes démunies, les minorités visibles.
Ha ! ces fameux groupes vulnérables... si ont ne les avaient pas il faudrait les créer !
Pensez-vous vraiment que le jugement des mères monoparentales ou des minorités visibles est affecté au point que ceux-ci ne comprendront pas ce qu'est un recensement ?
Le Québec est le grand perdant de cette décision politique. Chaque fois qu'une société restreint l'information nécessaire aux débats politiques et sociaux, c'est la démocratie qui en souffre. Les groupes minoritaires en particulier, y compris le Québec, perdent ainsi un outil essentiel à leurs revendications.
Vu de cette façon, et bien je pense que je vais m'abstenir de répondre à ce questionnaire si je suis un des «élus»....
Faire appel à la démocratie pour se justifier de forcer des gens à donner des informations privées contre leur gré s'apparente bien plus au gang-rule ( à la loi du plus fort ) qu'au système politique libre que vous mettez de l'avant.
La société n'est pas une fin en soi et si des citoyens préfèrent s'abstenir de participer à ce questionnaire, il faut l'accepter et faire avec.
Avec de tels arguments, il est facile d'arriver à la prochaine conclusion qui serait de forcer tous les citoyens à voter aux élections pour ne pas que qu'ils soient sous représentés, au nom de la démocratie et en leur nom...
François.