jeudi 27 août 2009

Les banques centrales savent qu'elles sont la cause de la récession.

Oubliez toutes les explications «à la Krugman» pour les causes de la récession.
Les banques centrales savent très bien qu'elles sont la cause initiale de la récession que nous subissons.
Evidemment, celles-ci ne l'avoueront jamais ouvertement pour conserver leur intégrité et leur raison d'être.

Mais voici le texte du discours que M. Mark Carney, gourverneur de la Banque du Canada, a fait la semaine dernière: Some Considerations on Using Monetary Policy to Stabilize Economic Activity
( La version francaise est disponible aussi mais n'est utile que pour montrer les limites de Google Translate... )

As we have all just been reminded at great cost, low, stable, and predictable inflation and low variability in activity – especially when associated with exceptionally low and stable interest rates – can breed complacency among financial market participants as risk taking adapts to the perceived new equilibrium. Indeed, risk appears to be at its greatest when measures of it are at their lowest. Low variability of inflation and output (reduces current financial VaR and) encourages greater risk taking (on a forward VaR basis). Investors stretch from liquid to less-liquid markets. In parallel, low and stable interest rates promote larger asset-liability mismatches across credit and currency markets. These tendencies are particularly marked if there is a perceived certainty about the stability of low interest rates.

Such asset-based financing creates intensely procyclical liquidity cycles. In these cycles, rising asset prices increase funding liquidity, which finances further purchases and prompts additional price increases.
Tout est dit.... M. Carney nous dit indirectement qu'il sait très bien que les banques centrales sont la cause de cycles économiques.
.......


Ok... voici une explication plus détaillée...
Commencons au tout début: le crédit est normalement de l'argent économisée qui est prètée à des gens.
Mais notre système économique ne fonctionne pas ainsi.
Ce que le système actuel fait est de créer de l'argent à partir de rien sous forme de crédit.
Manipuler ainsi le crédit a plusieurs avantages:
- il permet d'avoir un taux d'interet très bas puisque l'argent est disponible à qui le veux.
- il permet d'avoir une croissance économique hors du commun. Tant d'argent à si bas prix: plusieurs projets sont disponibles. Le chômage baisse, la machine économique tourne à fond.
- le faible taux d'interet favorise l'endettement et le faible rendement des placements défavorise l'économie et favorise la consommation. Celle qui «fait rouler l'économie» selon ces gens.

Ca, c'est le beau coté de la chose.

Mais évidemment, comme cette pratique essaye de défier la réalité, il y a toujours un mauvais coté. Le plus apparent est qu'on se rend compte rapidement que plus il y a d'argent crée dans l'économie, plus l'inflation sera forte.

Quel est le mandat de la banque centrale ?
De créer du crédit à partir de rien pour avoir la meilleure croissance économique possible.
La deuxième partie du mandat des banques centrales et de «contenir» l'inflation qui en résulte. Le taux visé est d'environ 2% par année.
Ce que fait la banque centrale est de continuellement ajuster la quantité d'argent à «pomper» dans le système en fonction de cette cible de 2%.

Première fraude des banques centrales: ces gens se présentent en gardien de l'inflation mais ne parlent en aucun temps du fait que ce soit eux qui créent cet inflation. Pour eux, la croissance économique DOIT passer par la manipulation du crédit et donc considèrent leur première partie du mandat comme une nécessité donc ils n'en sont pas vraiment responsables...
Ce qui est évidemment faux.

Mais revenons à M. Carney. Ce qu'il nous dit est ceci: nous constatons que parfois, l'injection de tout ce crédit dans le système ne se réflète pas comme de l'inflation mais plutot en bulle économique.

Evidemment, M. Carney ne nous le dit pas ainsi. Voici comment il interprète la situation:
As we have all just been reminded at great cost, low, stable, and predictable inflation and low variability in activity – especially when associated with exceptionally low and stable interest rates – can breed complacency among financial market participants as risk taking adapts to the perceived new equilibrium.
Le tout est viré à l'envers: Une inflation basse, stable et prévisible, combinée à un taux d'interet exceptionnellement bas et stable....
Pourtant, l'inflation est le résultat, et non l'outil. L'outil ici est le taux d'interet.

Ce que M. Carney nous dit si on le remet à l'endroit est: Nous avons remarqués qu'un taux d'interet bas et stable ne provoque parfois pas d'inflation. Cette stabilité est percue pour ce qu'elle est: de la stabilité et a tendance à induire en erreur l'économie et lui faire croire que la situation est ... stable.

Selon M. Carney, d'offrir pendant longtemps de l'argent facile ( à partir de rien ) a tendance à faire que le marché baisse la garde et assume que ce flot ne se terminera pas.
En d'autres mot, c'est comme si un pusher nous disant: je donnes de la drogue à très bas prix à mes clients et ceux-ci en deviennent junkies. Bien oui.....

Ce qu'il faut ironiquement préciser ici est que les banques centrales n'ont pas plus vus que les autres cette instabilité cachée dans la stabilité qu'elle reproche aux autres...

La banque centrale pompe de l'argent dans le système. Elle ne mesure que l'inflation de la monnaie pour savoir quand ralentir et accuse les autres quand le système pète.
Les autres ne sont pas plus fous: ils regardent la banque créer tout cet argent, voient que l'inflation est basse et que donc la banque centrale va continuer à «pomper» cet argent. Ils la prennent.

Bien que M. Carney réfute toute responsabilité: «ce n'est pas nous, c'est eux qui ont prix trop de risques dans une telle situation», il nous montre bien qu'il comprend que c'est le taux d'interet bas de sa banque qui est à l'origine de tout ceci.

Qu'est-ce qui se passe dans une telle situation ? M. Carney nous l'explique un peu:
Low variability of inflation and output (reduces current financial VaR and) encourages greater risk taking (on a forward VaR basis). Investors stretch from liquid to less-liquid markets. In parallel, low and stable interest rates promote larger asset-liability mismatches across credit and currency markets.
Such asset-based financing creates intensely procyclical liquidity cycles. In these cycles, rising asset prices increase funding liquidity, which finances further purchases and prompts additional price increases.
Dans une telle situation, l'argent est utilisée pour batir ( from liquid to less-liquid ).
Non dit dans le texte mais implicite: l'argent servant à batir prend beaucoup plus de temps pour se retrouver dans l'économie et affecter l'inflation. Ce qui fait que les banques centrales n'en voient pas les effets et continuent à «pomper» cette économie ( avec un beau grand sourire.... )...

Such asset-based financing creates intensely procyclical liquidity cycles.
Simplement dit: ceci crée des bulles économiques....

In these cycles, rising asset prices increase funding liquidity, which finances further purchases and prompts additional price increases.
Ici, c'est ce qui arrive en bout de ligne, juste avant l'éclatement de la bulle et la récession qui suit.
Les prix augmentent, le bulle gonfle... et ce, jusqu'à ce que la réalité reprenne ses droits.
C'est à dire que cette richesse fictive n'est pas soutenable pour une société. Trop d'investissement sont fait, trop de ressources sont nécessaires, ces ressources n'existent pas dans le monde réel. Tot ou tard, le projet qui semblait réalisable hier ne l'est plus aujourd'hui, les gens commencent à perdre confiance et le chateau de carte s'effondre.

Alors, oui, M. Carney sait très bien que c'est le taux d'interet bas qui est la cause première de tout cela.
D'ailleurs, ce qu'il propose est que lorsqu'une telle situation survient, la banque centrale devrait hausser les taux d'interets:
The alternative would be to generate price instability to prevent financial instability. That is, the price objective might have to become less stable in order to disrupt the endogenous liquidity creation that comes from relatively stable, predictable rate paths.
Le langage utilisé est très douteux... Le «price objective», c'est le taux d'inflation visé. «Price instability» veux dire ici: hausser le taux d'interet. «endigenous liquidity creation» veux dire: bulle.
Donc: «une alternative serait d'augmenter les taux d'interet dans le but de stopper la bulle, quitte à rater la cible d'inflation désirée.»

Le pire est que cette méthode fonctionnerais probablement. C'est à dire que d'augmenter le taux d'interet au début de la bulle aurait comme effet de la stopper avant que celle-ci soit énorme.

Il y a par contre deux problèmes majeurs avec cette idée:
- Personne n'est capable de savoir si cette «tactique» ne ferait pas une bulle énorme dans plusieurs années ? C'est que normalement, la réalité est impossible à déjouer.
- Mais l'argument le plus important est celui-ci: les banques centrales et les économistes nous ont prouvés qu'ils sont incapables de reconnaitre les situations de bulles. Un remède, lorsque l'on est incapable de reconnaitre le bobo ne sert pas à grand chose...

Francois.

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