samedi 3 avril 2010

Taxe et franchise santé: un affront à la solidarité


Taxe et franchise santé: un affront à la solidarité

Marie-Claude Goulet
L'auteure est présidente de Médecins québécois pour le régime public.

Médecins québécois pour le régime public (MQRP) dénonce les mesures Bachand sur le financement des soins de santé: le fondement même de l'assurance-maladie est dorénavant remis en cause.
Au Québec, nous nous sommes battus pour obtenir, au début des années 70, une assurance-maladie universelle et publique, comme la plupart des pays industrialisés où les soins sont dispensés, non pas en fonction du portefeuille, mais bien des besoins.
Pourquoi? Par solidarité sociale, parce que la très grande majorité des gens, même assez fortunés, ne peuvent assumer véritablement les coûts reliés aux soins de santé à un moment ou l'autre de leur vie. Il s'agissait de partager collectivement les risques associés à la maladie individuelle.

Cette affirmation est une déformation de la réalité:
Par solidarité sociale, parce que la très grande majorité des gens, même assez fortunés, ne peuvent assumer véritablement les coûts reliés aux soins de santé à un moment ou l'autre de leur vie. Il s'agissait de partager collectivement les risques associés à la maladie individuelle.
Un vrai partage des risques, tel que vous le présentez implique, comme il serait le cas avec une vrai assurance, qu'il y a partage des couts. Et pire, il y aurait aussi partage des couts mais selon les risques. C'est le cas pour vos assurances maison, auto, collectif bureau, vie, etc.

Cette assurance santé a de tout autres critères. Le cout n'est aucunement selon les risques mais bien selon les moyens. Et vous nous présentez ce fonctionnement comme un devoir moral de solidarité sociale.
Vous allez d'ailleurs plus en détails ici:
C'est cela, et bien d'autres choses, que ce nouveau budget remet essentiellement en question: le principe de «l'utilisateur-payeur» est contraire au système d'assurance-maladie universelle et à la solidarité dont elle s'inspire.
Imposer à toute la population, peu importe ses revenus, la même taxe santé constitue une mesure aussi régressive qu'injuste. Riche ou pauvre, chacun va payer le même montant, appauvrissant ceux qui sont déjà en difficulté.
La réalité est que le principe «utilisateur-payeur» n'est pas un choix social mais un fait de notre univers. C'est un principe universel, une loi de la nature qui ne peut être niée que par le vol ou la générosité d'autrui.

Qu'est-ce que ce principe «utilisateur-payeur»?:
Si vous êtes seule sur une ile et que vous avez faim, vous ne pouvez manger, vous devez avant tout récolter/produire de la nourriture. C'est cette action qui «payera» votre repas.
Notre monde étant ce qu'il est, rien n'est gratuit, tout doit être «payé».
C'est une loi de la nature car ici, si vous essayez de l'ignorer, vous allez tout simplement mourir de faim, c'est incontournable.

Imaginons maintenant que vous êtes deux sur cette ile. Que penser de celui qui ne fait pas sa part pour le repas ( ou un travail équivalent permettant une compensation à l'autre), mais exige plutôt une part inconditionnelle de ce que l'autre a amassé ?
Seul le vol ou la générosité d'autrui vous permettra d'échapper à cette loi.
(Et de la générosité imposée, appelez cela comme vous voulez, moi j'appelle ca du vol ! )

Ce principe d'utilisateur-payeur est une loi de notre monde. A quoi bon déclarer une loi de la nature injuste ?
Est-ce que la gravité est juste ? Non... elle est... tout simplement.

Vous faites appel à la solidarité et la compassion pour justifier ce système de santé.
Ces deux valeurs sont certainement des valeurs humaines positives, constructives.
Mais que penser lorsque celles-ci sont imposées ?
De la compassion imposée n'est certainement plus de la compassion.
De la solidarité, de la charité imposée, c'est plus du vol qu'autre chose.

Imposer à toute la population, peu importe ses revenus, la même taxe santé constitue une mesure aussi régressive qu'injuste.
Il est impossible de faire appel à la justice pour imposer ces valeurs !


Pour terminer, vous faites appel à la solidarité et à la compassion.
Mais en réalité, ce que vous désirez est que ces deux valeurs soient davantage institutionnalisées. Ce que vous demandez est que le peuple Québécois signe un contrat à (très) long terme pour que son gouvernement gère une fois de plus pour lui sa solidarité et sa compassion.

Mais est-ce si difficile de réaliser que cette compassion institutionnalisée n'a plus aucun sens réel pour le citoyen ?
- De réaliser que donner par défaut via une taxe ne génère pas grand sentiments par rapport à celui de signer un chèque directement à celui qui a «gagné» notre compassion.
- De réaliser que le sentiment principal qui émane de la «compassion par taxe» est de la frustration. Frustration parce qu'on est certain que le voisin aurait dû être plus «compassionné» (ie: taxé) que nous...
- De réaliser que la raison pour laquelle le peuple Québécois est un des moins généreux lorsqu'il est question de s'impliquer directement dans une cause solidaire, charitable, c'est parce qu'il en est venu à détester secrètement ces valeurs.

C'est que pratiquement tout citoyen sait dans le fond de lui que la charité imposée, c'est du vol. Il sait aussi que la charité est une valeur importante. Donc qui est-il pour se lever et déclarer: «c'est assez ! Pas comme cela !...».
Mais on ne peut pas facilement ignorer la réalité.
Que fait-il alors ? Il en vient à dénoncer les «moins charitables» ( ceux qui réussissent à déjouer ce système ) au lieu de se valoriser à chaque don concret.
Et il en vient peu à peu à finalement détester ces valeurs de charité pour ce qu'elles représentent pour lui: l'injustice, et non le plaisir personnel et égoïste d'aider autrui.

C'est ainsi que l'on tue une valeur humaine si importante dans notre société: en l'institutionnalisant, en l'imposant. Peu à peu, plus personne ne sait vraiment «la vrai valeur» de cette valeur.

On peut se poser aussi la question philosophique suivante: que penser d'un peuple qui vénère la pauvreté, qui porte comme valeur première la charité, charité qu'il sait pourtant être une frime imposée, une fraude de valeur ? Que penser d'un peuple qui regarde vers le bas et se scandalise continuellement des injustices sociales....

Imaginer maintenant un peuple qui regarde vers le haut. Un peuple qui fonce de l'avant et a comme valeur de donner la main à ceux derrière pour les aider à monter avec lui.
C'est cela la vrai compassion et la charité en tant que valeur: aider l'autre à atteindre un idéal que l'on valorise, partager cet idéal.
Mais pour cela, il faut avoir une estime de soi et un idéal. Sinon, la charité personnelle n'est rien et la charité institutionnalisé n'est qu'un moyen de rabaisser la société au niveau de ces gens que l'on vénère au point d'en faire une valeur.

Francois.

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